|
|
Cliquez sur l'image pour l'agrandir
Georges de La Tour (1593-1652), Madeleine pénitente, huile sur toile, 102x133 cm. (Metropolitan Museum of Art, New-York)
Représentée
avec un
miroir (symbole de vanité) et un crâne (rappel de
la
mortalité). La bougie (double), source de lumière
matérielle, symbolisant la lumière spirituelle ; le regard suit le
reflet de la flamme, dans le miroir, de l'autre côté, dans le monde
immatériel où le peintre a évité de faire se refléter son personnage.
|
|
|
Les Liasses II à VIII : la condition humaine
[cette présentation suit la leçon de l'édition Le Guern]
Ces premières liasses, sorties de leur contexte, pourraient prêter à
confusion. Il convient donc de les y réinscrire. Et d'abord ne
pas
perdre de vue la perspective démonstrative de Pascal.
Il ne
s'agit nullement d'une vision dépourvue
d'arrière-pensée qui se bornerait à
examiner la
condition humaine telle qu'elle se donnerait à saisir, à l'instar des
moralistes ses contemporains, par exemple La Rochefoucauld, via
l'expérience quotidienne.
Le but de ce qui s'offre comme un
constat est de "convaincre" un lecteur précis, un libertin,
de
l'impossibilité de rendre compte de la condition humaine. La dialectique
pascalienne vise à lui faire perdre ses repères
pour le
conduire à accepter comme seule "raisonnable" la proposition
qu'il lui fera ensuite : la religion chrétienne,
et elle seule,
permet de rendre compte de la dualité de la nature humaine.
La première liasse contenant des fragments relatifs
à
l'ordre, à la progression de la réflexion aussi
bien
qu'aux choix littéraires les plus propices au projet
(lettres ?
dialogue ?) le dit nettement. Les liasses suivantes envisagent aussi
les réponses que les philosophies, en particulier les
philosophies stoïcienne et pyrrhonienne, tentent de donner et
les disqualifient, dans la mesure où, aux yeux de Pascal,
elles
ne voient jamais qu'un aspect de la question et non ses angles
multiples.
Le projet de Pascal est donc, comme le résume Albert
Béguin (Pascal par lui-même) de conduire son lecteur au
"désespoir [...] : désespoir de l'intelligence,
résignation de qui constate que toutes choses lui demeurent
impénétrables." afin de le mettre en situation d'appeler
une solution, une réponse qui sera religieuse et
chrétienne : "Misère de l'homme sans Dieu — Grandeur de
l'homme avec Dieu".
Voilà pourquoi, il convient de lire ces liasses comme un moment
dans un ensemble plus vaste, et en ne perdant jamais de vue "l'art de
persuader" auquel Pascal a longuement réfléchi.
Les sept premières liasses, comme les autres, par
ailleurs,
contiennent des fragments de diverses sortes: des fragments
relativement longs et que le texte de Pascal (dans les copies conformes)
révèle
extrêmement travaillés (par exemple "imagination",
"Vanité, 41", ou "divertissement" "Divertissement 126 et
127");
des fragments relativement longs mais non corrigés qui
apparaissent comme des notes, des réflexions personnelles,
matériaux pour une élaboration
ultérieure; des
fragments très brefs qui peuvent être des
citations, des
résumés de lectures, ou des notes, du type
"pense-bête", à ne pas oublier dans une
réflexion
à développer, par exemple "Vanité, 16,
17, 18" ou
les notations se bornent à quelques mots, que l'on retrouve
par
ailleurs dans d'autres fragments, un peu plus développées : par exemple 17 en 83.
Ces liasses s'organisent dans le but de déstabiliser le
lecteur, de le désorienter : la II, la III, et la IV disent
par leurs titres mêmes, "Vanité",
"Misère", "Ennui", le malheur de la condition humaine mais
lorsque tout semble désespérant, la V et la VI,
"Raisons des effets" et "Grandeur" viennent rappeler que le monde des
hommes n'est pas si misérable, qu'il est même en
lui de la grandeur : la capacité de penser ; la
capacité, comme l'écrit Tony Gheeraert, "de
construire un certain ordre". La liasse VII,
"contrariétés", synthétisant les
précédentes, souligne
particulièrement les contradictions dans
lesquelles l'homme est empêtré, et contre
lesquelles, il ne trouve que le "Divertissement" (liasse
VIII), faute de pouvoir trouver la "raison" de ces
contradictions — aucune philosophie ne le permet —, mais c'est une
solution aléatoire et qui, par là même,
ne peut suffire. Une fois les philosophies disqualifiées, tout
est prêt pour que le lecteur s'ouvre à la seule solution :
la religion chrétienne et l'attente de Dieu.
|
|