Les Fleurs bleues, Raymond Queneau,1965

coquillage


En guise de préambule

Publié en 1965, ce roman est d'abord un livre à rire, aux éclats.
Il raconte une histoire assez étonnante, celle du duc d'Auge qui, observant "un tantinet soit peu, la situation historique", depuis son donjon en 1264, va, de visite en visite à la "ville capitale" (comprenons Paris, plus tout ce qu'y ajoute la périphrase), traverser le temps pour arriver jusqu'en 1964.
Lorsque le duc s'endort, ce qui lui arrive régulièrement, un autre personnage se met à vivre, Cidrolin qui, lui, ne bouge pas de son année 1964, où il passe le plus clair de son temps, grâce à "l'essence de fenouil" et à la sieste, "à l'obscurcir" comme aurait dit Boris Vian, grand ami de Queneau, et comme pourrait aussi le dire un autre double de héros dans les romans policiers signés San-Antonio (pseudonyme de Frédéric Dard), et contemporains de l'oeuvre de Queneau. La comparaison n'est pas fortuite puisque Queneau avait expliqué que la lecture de L'Histoire de France du dit San-Antonio (1964) lui avait donné l'idée de tenter une aventure semblable. Dans le récit de San-Antonio, l'idée dominante était de faire agir, non les rois, mais l'homme du peuple, et, en l'occurence, tous les ancêtres de Bérurier, car disait la quatrième de couverture, "ce sont les Bérurier qui ont vraiment fait la France. Avec leurs mains, leur sang et leur sueur. / Avec leur esprit aussi. / [...], j'ai essayé de reconstituer leur trajectoire dans le temps." Les mauvais jeux de mots du premier chapitre sont la trace de cette "rencontre". "Mauvais" est une façon de parler, il s'agit de calembours comme nous les aimons tous et plus ils sont approximatifs, plus ils sont drôles puisque nous rions en même temps de notre "sottise" à les trouver drôles... quand même...
Naturellement, ce n'est pas que cela. Mais si l'on ne rit pas en lisant cette histoire, une grande partie de son sens nous échappera. C'est le moment ou jamais de se rappeler Rabelais et le prologue de Gargantua: "C'est pourquoy fault ouvrir le livre et soigneusement peser ce que y est deduict. Lors congnoistrez que la drogue dedans contenue est bien d'aultre valeur que ne promettoit la boite, c'est-à-dire que les matieres icy traictées ne sont tant folastres comme le titre au-dessus pretendoit." ("C'est pourquoi il faut ouvrir le livre et soigneusement peser ce qui y est écrit. Vous saurez alors que le remède qui y est contenu est d'une bien autre valeur que ne le promettait la boîte, c'est-à-dire que les sujets traités ici ne sont pas aussi folâtres que le titre au-dessus le prétendait.")
La 4e de couverture, qui rappelle un apologue taoïste "Zhuang Zi rêve qu'il est un papillon mais n'est-ce point le papillon qui rêve qu'il est Zhuang Zi ?", met en avant une interrogation sur la réalité qui a peut-être été stimulée par la traduction de Peter Ibbetson (1891) de George du Maurier que venait de faire Queneau pour Gallimard, roman dans lequel le rêve est l'espace de liberté dans lequel les deux amoureux vivent heureux alors que le héros est enfermé dans une prison. Cette 4e de couverture fait écho, par ailleurs, à l'épigraphe de Platon, tirée du Théétète, inscrite en grec et qui dit "En échange de ton songe écoute le mien" (traduction E. Chambry). Epigraphe dont la valeur est multiple. Le lecteur ne peut s'empêcher de penser à la formule médiévale "C'est du grec, cela ne se lit pas", étant donné que sur ce plan-là, il n'est pas plus instruit aujourd'hui que le copiste médiéval ; il ne peut aussi s'empêcher de savoir que cela doit avoir un sens mais qu'il faudrait pouvoir le décrypter, avis aimable l'invitant à débusquer le, ou les, sens dans le roman, comme aussi le nom de son auteur, en caractères romains, lui, le conduit du côté de la réflexion philosophique. Quand il aura lu le roman, il s'interrogera aussi sur la raison d'une telle épigraphe (il aura bien trouvé quelqu'un pour la lui traduire) à l'orée d'un récit où justement les deux personnages ne trouvent personne pour écouter leurs rêves...
C'est dire aussi que les mutliples strates qu'ouvre le rire ont la légèreté des bulles de savon, mais toutes les irrisations et la profondeur des paysages que celles-ci traversent.



Les Fleurs bleues est une histoire allègre et légère où les chevauchées et l'agitation du duc d'Auge, toujours en mouvement, toujours entre deux coups de poings (y compris avec son chapelain de "choc" —qui, pour le lecteur des années soixante, devait évoquer Fernandel dans le rôle de Don Camillo, autre curé de choc — qui rend coup pour coup, ce qui nous vaut des discussions philosophiques musclées), entre deux rebellions contre l'autorité, cette turbulence s'intercale avec les activités extrêmement réduites et répétitives de Cidrolin, ses minuscules promenades autour de sa péniche, la peinture de sa clôture maculée de graffitis insultants, ses repas rarement satisfaisants et surtout ses siestes.
Le lecteur s'amuse, tout cela n'est guère sérieux.
Mais, pour obtenir cette "bluette", dans laquelle l'amour n'a qu'une toute petite part, si l'on exclut l'amour de soi (narcissisme ? égotisme ? égocentrisme ? amour-propre ? Tout cela à la fois, bien sûr), il a fallu un sérieux et une discipline que le lecteur ne découvre à son tour que réflexion faite, comme l'on dit.

La construction

Le récit se déploie sur 21 chapitres rigoureusement ordonnancés par étapes, déterminées par les voyages du duc d'Auge. Il y a cinq étapes que séparent, chaque fois, 175 ans (1264 - 1439 - 1614 - 1789 - 1964), ce qui donne un écart de 7 siècles entre le point de départ et le point d'arrivée. Chaque étape est constituée de 4 chapitres. Le 21e est un épilogue qui bascule dans le mythe, celui du déluge, doublé de celui

saint Louis rendant la justice
Première séquence : 1264
Louis IX (Saint Louis) rendant la justice sous un chêne. illustration extraite d'un manuel pour l'enseignement primaire, Histoire de France, cours élémentaire, 1960


de l'éternel retour, curieusement déconcertant, car si le duc et ses compagnons prennent possession de la péniche qui porte le nom prédestiné d'Arche, pour quitter Paris et rejoindre son château, que le récit a placé au départ en Normandie, ils remontent le courant, ce qui est un non sens hydrographique mais une juste manoeuvre symbolique puisqu'il s'agit de revenir à la source, autrement dit à l'origine, laquelle est par ailleurs incluse dans les "fleurs bleues". Dans le premier chapitre, en effet, le duc discutant avec son cheval, Démosthène dit Sthène, se plaint de mélancolie "Ici la boue est faite de nos fleurs..." et Stène de compléter "bleues, je le sais..." et dans le dernier : "Une couche de vase couvrait encore la terre, mais, ici et là, s'épanouissaient déjà de petites fleurs bleues."
On a naturellement beaucoup glosé cette distribution, et de manière fort savante, parce que Queneau se prête volontiers à ces jeux sur les chiffres, en mathématicien d'abord mais aussi dans l'ordre du symbolique, lui-même ayant toujours affirmé que le 7 est "son" chiffre, son prénom et son nom n'ont-ils pas chacun 7 lettres  et n'est-il pas né un 21 février, 21 étant naturellement un multiple de 7 ? On retrouve ce chiffre dans les sept prénoms que possèdent en commun le duc et Cirdrolin et dont les initiales répètent le premier d'entre eux Joachim, Joachim, Olinde, Anastase, Crépinien, Honorat, Irénée, Médéric.
Auge et Cidrolin : un en deux ?
Mais l'identité des deux personnages se découvre bien avant qu'ils n'échangent leurs 7 prénoms communs. Le château du duc est en Normandie ("Les Normands buvaient du calva"), en un lieu dit "Larche près du pont", comme la péniche de Cidrolin s'appelle l'Arche et le nom même de Cidrolin dont la racine est "cidr" renvoie aussi à la Normandie. Tous deux ont pour boisson favorite "l'essence de fenouil" dont leur marque préférée est "le cheval blanc"[petit jeu sur une boisson qui renvoie au pastis bien davantage qu'au whisky dont elle porte le nom]. Tous deux sont veufs, l'un et l'autre auraient bien pu assassiner leurs épouses (supposition de Saint Louis —roi "justicier" s'il en fût dans l'imagerie— pour le duc d'Auge et de la justice pour Cidrolin) ; tous deux ont trois filles. Lorsque le duc rencontre Russule, Cidrolin rencontre Lalix. Tous deux font de la peinture dans un but trouble, le duc pour jouer un bon tour aux religieux, Cidrolin pour se punir en quelque sorte. On peut poursuivre ainsi longtemps.
Les chapitres leur font une place qui, pour être alternative, n'en est pas moins similaire et équilibrée. Trois types d'organisation apparaissent à ce niveau : Auge ouvre un chapitre et Cidrolin le ferme ou inversement ; lorsqu'un chapitre ouvre et ferme sur Auge, un autre fait de même avec Cidrolin.
A l'opposé de ces caractéristiques, leur comportement est antithétique : Cidrolin se laisse porter par les événements, et même pour choisir une domestique, il s'en remet à son ami Albert, sympathique proxénète, alors que le duc s'approprie Russule tambour battant, si l'on ose dire ; les filles de Cidrolin trouvent elles-mêmes leurs maris, alors que le duc se charge de l'avenir matrimonial des siennes. Cidrolin ne veut rien avoir à faire avec l'autorité, alors que le duc passe son temps à la défier dans la personne des rois successifs auxquels il s'oppose. Quoique, assez curieusement, au moment du grand défi qu'est la Révolution, il se sauve sous un nom d'emprunt (M. Hégault, que l'on peut aussi gloser dans sa dimension historique — le temps de la révolution n'est-il pas celui des "égaux" ? et/ou psychanalytique, ego= je) pour poursuivre ses projets de peintures pré-adamiques.
Cette dualité a alimenté un courant d'interprétation psychanalytique, tout à fait intéressant. Anne Clancier, dans un article de L'Arc (n° 28, 1966) lit Les Fleurs bleues comme le roman d'une analyse où le duc serait le ça coupé du moi que serait Cidrolin. Le temps de l'analyse fait se rejoindre, à travers l'exploration et la traversée du passé, le ça et le moi, que le surmoi, Labal (dont le surnom palindromique permet de rattacher l'une à l'autre ces deux instances, mais dont le nom complet, LaBalance, contient aussi de quoi les équilibrer) "autorisera" à retrouver leurs places respectives : le duc dans son donjon, enfin débarrassé des restes de l'Histoire, Cidrolin partant avec Lalix vers l'aventure de la vie. Fin de l'analyse.



D'Histoire en histoires

Les cinq périodes choisies par l'auteur pour cadre à l'action d'Auge s'enracinent dans des clichés historiques, ceux que tous les Français apprenaient dès l'école primaire dans les années 1960. Saint-Louis rendant la justice sous son chêne en 1264 ; Jehanne la Pucelle "notre bonne Lorraine qu'Anglais brûlèrent à Rouen" (d'après les beaux vers de Villon) en 1439 ;  Les Etats généraux de 1614 où le personnage de Marie de Médicis est évoqué via les "alchimistes" qu'elle aurait "importés" d'Italie, le personnage avait dans les manuels d'histoire une figure de mauvaise reine, presque aussi noire que celle de Catherine de Médicis; 1789 et la prise de la Bastille. En 1964, les touristes et les "houatures" dominent le tableau.
Ces clichés sont mis à mal de deux manières, d'abord par un récit toujours un peu dévié. Pour Saint-Louis, c'est la discussion sur la huitième croisade en préparation, perçue par Auge comme une "guerre coloniale" qui obère la vision d'un roi saint et juste ; pour Jeanne d'Arc, c'est l'accent mis sur Gilles de Rais et sur le complot du futur Louis XI contre son père ; pour les Etats généraux, ce sont les tentations de l'alchimie en la personne de Timoleo Timolei qui doit sans doute son double nom autant à Galileo Galilei (Galilée) qu'au Ferdinando Ferdinandi du Roman comique de Scarron ; pour 1789, la discussion sur les pré-adamites. Ensuite, par les préoccupations personnelles du duc qui choisit toujours le camp de la rébellion : refusant d'aller faire la "guerre aux colonies" et décidant d'en découdre avec les CRS (Compagnies Royales de Sécurité) — la Guerre d'Algérie n'est pas loin dans la mémoire de 1965, les accords d'Evian qui y mettent fin ont été signés en 1962 — En 1439, le duc est outré par l'emprisonnement de Gilles de Rais "un bon soldat [...] et même un soldat victorieux, ce qui est rare." et finalement se joint au complot du futur Louis XI dans l'idée de le délivrer ; en 1614, c'est la découverte de Timoléo Timoléi, l'achimiste, qui l'intéresse, outre évidemment la perspective de se faire statufier comme Henri IV et les divers avantages qu'il a obtenus (comme les autres opposants) du pouvoir royal ; en 1789, le duc ne s'intéresse qu'à ses grottes et à la possibilité de convaincre de-visu l'abbé Riphinte de l'existence des pré-adamites, rien ne l'intéresse dans la Révolution sinon de savoir si son ami Donatien (de Sade) a été libéré par la prise de la Bastille.
La promenade à travers ces événements va de pair avec des discussions sur ce qu'est l'histoire, à la fois entre le duc et l'abbé Biroton, puis l'abbé Riphinte, et entre Cidrolin et ses gendres et filles lorsqu'ils viennent lui rendre visite.
Question infiniment complexe de fait puisque le passé (de l'individu comme de la collectivité) ne nous est connu que par des histoires, et toutes les histoires

Jeanne d'Arc au siège d'Orléans
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Jules Eugène Lenepveu (1819-1898), Jeanne d'Arc au siège d'Orléans ( vers 1886-1890)


ont nécessairement un narrateur et donc un point de vue. Par ailleurs, dans l'ensemble des événements, comment les hommes qui les vivent peuvent-ils savoir celui ou ceux qui auront des conséquences collectives et seront, par là, transmis, ce qui restera dans les mémoires. Bien des événements essentiels n'appartiennent jamais à l'Histoire, du moins était-ce le cas jusque dans ces années 1960 qui voyaient se mettre en place ce qu'on appellera la "nouvelle histoire", celle de l'Ecole des Annales, qui s'intéresse à la longue durée. Avec le recul, d'ailleurs, il n'est pas si sûr que nous n'ayons pas besoin des deux, les cartes postales (et la chronologie qui va avec) comme celles qui illustrent cet article, et leur questionnement.



Des histoires à  l'Histoire

D'Auge à Cidrolin et de Cidrolin à Auge, à "sauts et à gambades" progresse le récit qui inclut dans sa promenade, voire ses chevauchées, à la fois l'histoire de la langue française, celle des genres littéraires qui l'illustrent, comme aurait dit Du Bellay, et les oeuvres littéraires elles-mêmes, sous forme de citations, de détournements ou d'allusions plus ou moins transparentes.
La langue française comme sujet ou objet du récit s'énonce dès le premier chapitre avec les jeux sur les mots, mais aussi les interrogations sur son devenir, "européen vernaculaire" ou "néo-babélien". Chaque chapitre ensuite interrogera qui le sens de ses mots (arbirtraire ou non), qui les règles de grammaire qu'il s'agit moins de respecter que de vénérer comme une religion : "Vous y croyez encore?" demande Cidrolin à l'Iroquoise, etc.. Le récit joue avec les mots, archaïse, néologise ("itamissaester" : terminer une messe), invente ("la languistique" : science des baisers baveurs), transcrit de manière fantaisiste et imaginative le français oral des années soixante ("Houatures" qui  "sont bestioles vives et couinantes qui courent en tous sens sur leurs pattes rondes."). La langue du duc et de ses proches, chevaux compris, se modifie au fil des siècles, ce qui vaut au lecteur, par exemple, un amusant parcours dans les jurons: "jarnicoton" (XIIIe), "par le sang Dieu" (XVe), "vertuchou" (XVIIe), "jarnidieu" (XVIIIe).
La langue est donc un fait historique, comme les productions poétiques, entendons par poétique cette fonction de la communication qui est le propre du "message", lorsque le "message" est moins un moyen qu'une fin. Presque tous les genres littéraires apportent leur contribution à la construction romanesque, depuis le roman policier (qui est le responsable des graffitis sur la palissade de Cidrolin ?), jusqu'au conte  (la rencontre du "prince et de la bergère", en l'occurrence la fille du bûcheron dans la cabane au fond de la forêt où le duc est plus perdu que le petit Poucet) et au mythe, dans l'épilogue aussi bien que par évocations brèves au fil des pages, jusqu'au roman historique (mêlant comme il se doit personnages historiques et personnages fictifs, événements réels et imaginaires). Et bien sûr, la poésie elle-même, dans les jeux sonores aussi bien que dans les "rimes", comme dit Queneau, c'est-à-dire, la répétition, à l'intérieur du récit, de circonstances, de personnages ou de formules. Comme pour la langue, il s'agit de jouer puisque chacun de ces genres est joyeusement subverti comme le conte où c'est l'ogre Auge (se demandant s'il ne va pas manger "la jeune personne" à défaut de poivrade) qui est petit Poucet et la "bergère", loin d'être sans défense, la séductrice.






Lascaux

peinture pariétale, Lascaux. Les grottes ont été découvertes en 1940, et dans les années soixante suscitent encore de multiples controverses sur leur authenticité, dont se joue le roman de Queneau.


Ainsi, le lecteur est-il plongé dans le mouvement de l'histoire, le passage du temps,  jusqu'à 1964 où sont en gestation d'autres transformations, d'autres mutations. La langue avance-t-elle vers un "néo-babélien" ou un "européen" qui, comme l'espéranto, puiserait à toutes les langues vernaculaires ? Quelle place le nouveau roman, que parodie la dernière partie du chapitre VII,  occupe-t-il dans la littérature contemporaine? Comment définir l'histoire en un temps où les enregistrements audio-visuels peuvent "congeler" le présent pour l'avenir ?
Par ailleurs, le roman met en jeu toute l'histoire littéraire.  Queneau pratique sciemmemnt et ouvertement ce que Bakhtine nommait "dialogisme", ce que nous appelons souvent intertextualité, qui est la vérité de tout texte : la littérature est toujours somme de ce qui a déjà été écrit et ce n'est qu'en ayant conscience de ce flux dans lequel l’écrivain est pris qu’il peut vraiment construire du neuf.
En même temps, la réécriture est un principe ludique : les citations ou allusions sont détournées, ouvrent sur des paradoxes et des éclats de rire en raison du "jeu" entre le contexte premier et le nouveau dans lequel il est introduit. Ainsi de Sthène se plaignant du trop long séjour en Périgord "Je me demande quand je reverrai mon écurie natale qui m'est une province et beauoup davantage." en utilisant les mots de Du Bellay dans Les Regrets. La référence la plus récurrente, quoique souvent la plus cachée, est celle de Rabelais qui se glisse partout, et d'abord dans le personnage du duc qui, comme Gargantua, commence, lors de sa première visite de la ville capitale, par "occire" "deux cent seize personnes", ce qui est certes moins que le géant mais qui, pour un seul homme, est un chiffre conséquent, et dont l'appétit, par ailleurs, n'a rien à envier au personnage de Rabelais.
Plus largement, tous ces jeux de langage invitent le lecteur à s'interroger sur ce qu'il sait, sur la maîtrise qu'il croit détenir de ses pensées, de son langage en insinuant en lui ce doute dont Nerval et Rimbaud avaient déjà fait l'expérience poétique. "Je suis l'autre" disait Nerval et "Je est un autre" disait Rimbaud, précisant dans une lettre à Goerges Izambard, mai 1871, "C'est faux de dire : Je pense: on devrait dire on me pense.—"

Les Fleurs bleues est un roman qu'on n'en finit pas de relire.







A regarder et à écouter
: Queneau interrogé par Pierre Dumayet à propos de son livre
myosotis

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