Faust, Goethe, 1808-1832

coquillage


Faust est le titre d'une pièce de théâtre en deux parties qui a accompagné Goethe sa vie durant. La première trace de cet intérêt pour le personnage date des années 1770. En effet, en 1887, est découverte une copie faite par une dame de la cour de Weimar, en 1775, d'un premier texte de Goethe qui va recevoir le titre de Urfaust, exprimant ainsi son statut de texte originaire. Le texte est contemporain de la rédaction des Souffrances du jeune Werther. Il est aussi contemporain d'un fait-divers qui va jouer son rôle, le procès et l'exécution d'une jeune femme, à Francfort, en 1771-72, Suzana Margaretha Brandt, accusée et convaincue d'infanticide.
En 1790, Goethe publie Faust, un fragment, pour le fronstispice duquel il choisit une célèbre gravure de Rembrandt dans laquelle il identifie son personnage : "Faust est un homme d'un certain âge, imberbe, vêtu de la robe professorale et d'un bonnet d'intérieur ; il est debout à son pupitre et fixe avec fascination un grand vitrail où flamboie un signe cabalistique fait de cercles concentriques ainsi que de lettres et de mots mystérieux ; des livres, une mappemonde, une tête de mort." (cité par Lortholary, GF, 1984).
En 1808, Faust I est publié. Ce premier Faust s'ouvre sur trois textes : une "Dédicace", un "Prélude sur le théâtre" et un "Prologue au ciel". C'est aussi dans ce texte-là que Goethe réintroduit le pacte qui appartient aux couches les plus anciennes de la légende.
Enfin, la deuxième partie, Faust II,  sera rédigée au cours des années suivantes, terminée, semble-t-il, en 1831, mais Goethe en aurait scellé le manuscrit, exigeant qu'il ne soit publié qu'après sa mort. C'était lui donner, en somme, le poids d'un testament. Il est donc publié en 1832, Goethe étant mort le 22 mars de cette année-là.




L'auteur

     Johann Wolfgang Goethe est né le 28 août 1749 à Francfort/Main. Il mourra le 22 mars 1832, à Weimar, après une vie extrêmement remplie, d'activités, d'études, de recherches, d'amitiés, d'amours et, bien sûr, d'écriture. Il fait des études de droit à Leipzig (1765-68) qu'il termine à Strasbourg (1770-1771). A Strasbourg, il fait la connaissance de Johann Gottfried Herder (1744-1803) qui va avoir une grande influence sur lui en lui ouvrant tout à la fois des horizons littéraires et linguistiques, mais encore le domaine des créations populaires (folklore).
Depuis longtemps Goethe écrit, mais c'est dans les années 1770 qu'il dépasse le stade des brouillons, d'abord avec une pièce de théâtre, Götz von Berlichingen (1773), puis un roman dont le succès va être considérable, non seulement en Allemagne mais dans toute l'Europe, Les Souffrances du jeune Werther (1774).
Après un bref séjour à Francfort, à la fin de ses études, Goethe est appelé auprès du prince de Saxe-Weimar. Il fera à la cour de Weimar une carrière d'homme politique, en quelque sorte, devenant conseiller, puis commissaire à la guerre, puis aux finances. Il est ennobli en 1782 et devient "von Goethe". Quoique fort occupé, il semble s'être quelque peu ennuyé de cette vie, en somme, routinière, si bien qu'en 1786, il "fugue". Sans prévenir personne, il part en Italie, en 1886. Il y fera un périple de presque deux ans, émerveillé des beautés de la nature et des traces de l'antiquité, particulièrement en Sicile, la "Grande Grèce" enfin atteinte.
De retour à Weimar en 1788, il reprend ses tâches multiples. Il vit avec une jeune femme, Christiane Vulpius, qu'il épousera en 1806. Goethe écrit toujours et brille dans tous les domaines, poésie, théâtre, roman. Weimar, par sa présence, se transforme en un pôle culturel attractif. Nombreux sont les écrivains, philosophes, artistes qui y viennent, parmi lesquels Friedrich Schiller va occuper une place importante dans la vie de Goethe. Ils se connaissent déjà (1788) lorsque Schiller vient à Weimar (1790) où il reste jusqu'à sa mort prématurée en 1805 (tuberculose) et leurs échanges vont jouer un rôle fondamental dans le développement de la littérature allemande.
En 1790, Goethe publie Faust, un fragment. En 1797, Les Années d'apprentissage de Wilhem Meister.
Mais la littérature n'est pas l'unique passion de Goethe qui s'intéresse aussi de très près aux sciences naturelles : géologie, anatomie, botanique (La Métamorphose des plantes, 1790), optique (Traité des couleurs, 1810), astronomie.
En 1808, il publie le premier Faust ; en 1809, Les Affinités électives. Il a entrepris de rédiger ses mémoires sous le titre Poésie et vérité (le titre en allemand est plus explicite : Aus meinem Leben. Dichtung und Wahrheit, "Tiré de ma vie. Poésie et vérité") dont un premier volume est publié en 1811 (voir sur Gallica, l'oeuvre en deux parties traduite par la baronne A. de Carlowitz, 1886. Première partie, deuxième partie). Il s'efforce d'y mettre au clair ce qu'il est en tant qu'homme et que créateur. En 1816, il publie son dernier recueil poétique, Le Divan. Il va passer le reste de sa vie à travailler Les Années de voyage de Wilhem Meister (publié en 1826) et à terminer la deuxième partie de Faust.




Georg Melchior Kraus

Portrait de Goethe (détail) vers 1775, par Georg Melchior Kraus (1737-1806)






Delacroix

Méphistophélès apparaissant à Faust
, Delacroix, huile sur toile, 1827-1828. L'éditeur Charles Motte avait demandé à Delacroix une série de lithographies pour illustrer la traduction d'Albert  Stapfer.

Les pièces

      Divers éléments se mêlent pour aboutir au Faust goethéen. Il y a d'abord un récit fortement moralisateur, particulièrement marqué par les idées de la Réforme, publié à la fin du XVIe siècle (1587) contant tout autant les légendes que l'histoire d'un certain Georg Sabellicus dit Faust, savant, magicien et surtout charlatan. Christopher Marlowe en avait tiré une tragédie mettant aux prises un héros, Faust, dévoré de désirs illimités, cherchant à assouvir toutes les "libidos" (sciendi, sientendi, dominandi ; désirs de savoir, de jouissance, de puissance, selon la classification d'Augustin d'Hippone) avec ses propres limites d'être humain, celles du temps en particulier. Le Faust de Marlowe était la proie de l'Ubris que condamnaient fermement les Grecs de l'antiquité et cette "Ubris" qui le poussait à se faire dieu le faisait, en fait, tomber dans la clownerie, l'illusionnisme d'un saltimbanque, parfois charmant (la grappe de raisin), parfois grotesque (la jambe arrachée).
Enfin, en Allemagne, tout au long des XVIIe et XVIIIe siècles, le personnage et ses aventures ont alimenté le théâtre de marionnettes.
     Le personnage a donc une sorte de double origine, populaire (qui a tendance à accentuer les aspects spectaculaires de l'aventure, le pacte, la sorcellerie, la cruauté des diables en général et celle de Méphistophélés en particulier) et savante, si l'on peut dire, interrogeant dans le personnage la condition humaine.
Goethe va s'approprier toutes ces dimensions et y introduire, avec le personnage de Marguerite, le principe de salvation, propre à son temps et au mouvement romantique, l'Amour. Dès la première mouture de Faust, 1770, Marguerite (désignée parfois par son diminutif, Gretchen) est présente, occupant à la fois le même temps de la tragédie (elle est, de fait, le vrai personnage tragique, dans la mesure où sa générosité, sa jeunesse et son innocence en font une victime désignée des élans les plus naturels aux humains — et les moins condamnables), ainsi se lamente-t-elle sur son sort comme sur celui des autres jeunes filles, "Et pourtant, ce qui m'a précipité si bas / Etait si doux, mon Dieu, m'était si cher, hélas !" — traduction Jean Malaplate) et leur même destin, la solitude, la folie, la mort.
Faust I (1808)
     Cette première pièce réintroduit dans la trajectoire de Faust le pacte avec le diable, dont Goethe s'était dispensé jusque là mais qui n'en était pas moins un élément clé de la légende et, outre les trois manières de prologues qui précèdent la pièce, il associe nettement Faust et la sorcellerie. C'était déjà le cas du Fragment (1790) qui intégrait "la cuisine de la sorcière" (scène écrite à Rome, en 1788, selon les dires de l'auteur lui-même)  qui va permettre à Faust de rajeunir de trente ans (un des aspects nouveaux du personnage qui comptera beaucoup par la suite, par exemple, dans l'opéra de Gounod). Mais la pièce de 1808 accentue cette présence du monde chaotique de la sorcellerie en consacrant une longue scène à la nuit de Walpurgis (nuit du 30 avril au 1er mai, supposée être celle d'une exceptionnelle réunion de sorcières, sorciers et démons en tous genres, légende  qui se serait substituée à des festivités païennes saluant l'arrivée du printemps). La scène a été rédigée entre 1797 et 1805 et Goethe la complète en 1807 du "songe d'une nuit de Walpurgis", évident jeu avec Shakespeare qui est aussi une sarcastique réflexion sur poésie et théâtre.




Friedrich August Moritz Retzsch

Gretchen et Faust au jardin
, Friedrich August Moritz Retzsch (1779-1857). A la fin des années 1820, Retzsch illustre l'oeuvre de Goethe pour l'éditeur Cotta.

     Les trois textes liminaires situent l'oeuvre dans une triple réflexion, celle de la poésie ("Dédicace"), celle du théâtre ("Prélude sur le théâtre") où l'acteur, incarnant, actualisant la pièce, opère la synthèse qui dépasse les aspirations contradictoires du directeur soucieux de la recette et du poète en quête du Beau et de l'idéal, celle du symbolique ("Prologue au ciel") qui reprend le pari engagé entre Dieu et le diable au sujet de Job. Ici, Faust va en être l'enjeu, mais en faisant cela, Goethe offre déjà au spectateur un indice sur l'avenir de Faust. Si Satan a perdu son premier pari, il y a tout lieu de croire qu'il perdra le second.
La pièce se déploie en deux parties, la première plus lyrique, comprenant six "scènes" ou "tableaux",  est entièrement occupée par Faust : diu monologue initial [1] (comme chez Marlowe) où le personnage fait le bilan désabusé de ses années d'études, pour constater que seule la magie serait peut-être la véritable science, celle qui donnerait accès à la compréhension de la nature, parce qu'elle est la "science" des analogies et des correspondances, et donc à un véritable pouvoir, jusqu'à l'intervention de la sorcière lui rendant sa jeunesse (souvenir de Médée dans Ovide) [6]. Le contexte est celui de la fin de la Renaissance où le diable et le sabbat sont considérés comme des réalités.
      Dieu avait parié avec Méphistophélés l'âme de Faust, Méphistophélés, à son tour, va parier avec Faust mais les termes du pari sont fixés par Faust lui-même, Méphistophélès répondra à ses demandes et à ses attentes jusqu'à ce que Faust se déclare satisfait et veuille arrêter le temps. A ce moment-là, il sera l'heure de mourir et de payer. S'il y a bien signature d'un pacte (avec une goutte de sang) celui-ci n'est que l'enregistrement du pari et Faust n'y attache aucune importance. A la différence de la légende, ce n'est pas Faust qui invoque Satan, mais Méphistophélès qui s'impose à lui sous les apparences d'un caniche (Pudel) qui prend diverses formes avant de se présenter sous les traits d'un étudiant, puis d'un grand seigneur. Peut-être faut-il voir là un souvenir amusé de Cazotte et de son Diable amoureux, 1772, qui faisait du diable un épagneul. Et s'il y a bien un pentagramme sur le sol, il n'est pas porte d'entrée, mais empêche la sortie du démon. L'ironie est un des aspects de la pièce (des pièces) de Goethe, une ironie qui renoue à son sens premier : interrogation.
La deuxième partie met en scène la tragédie de Marguerite en 19 scènes. Rajeuni, Faust s'éprend d'une jolie passante. Avec l'aide de Méphistophélès, il fait sa connaissance, la séduit, puis l'abandonne, sans toutefois parvenir à l'oublier puisqu'en plein sabbat, sur la montagne du Harz, le fantôme de la jeune fille lui apparaît.
Marguerite, c'est le drame des jeunes femmes dans des sociétés profondément puritaines (cf. la scène à la fontaine où la jeune femme qui a eu des relations sexuelles prématurées ne sera même pas rédimée par le mariage avec son séducteur : les garçons lui arracheront sa couronne et les jeunes filles lui feront une jonchée de paille), montrée du doigt par son frère même, dénoncée à la société, elle fera ce que tant d'autres font, elle tuera l'enfant, sera arrêtée, jugée et condamnée. Faust tente bien de la faire évader, sans succès. Il n'aura apporté à Marguerite que du malheur, mais là où les hommes condamnent, le ciel absout.
De cette première partie de Faust, le spectateur retient surtout le drame de Marguerite qui va alimenter une production musicale importante au XIXe siècle. Il est peu de musiciens qui ne s'y intéressent, des plus connus comme  Berlioz (La Damnation de Faust, 1846, que le musicien construit à partir de la traduction de Nerval, 1828) ou Gounod (1859) à un grand nombre d'autres aussi connus ou moins.
Mais il n'en est pas moins une interrogation sur l'être humain, ses aspirations, ses limites, ses dualités. Faust, le savant déçu par les savoirs théoriques qui donnent aucune prise réelle sur le monde, est entouré de doubles.


Il y a d'abord son "famulus" (secrétaire, assistant, laborantin), Wagner, qui, contrairement à lui, se satisfait de ce qu'il sait (et qui pis est se satisfait du monde de grimoires dans lequel il est enfermé) et croit au progrès du savoir et Faust de s'exclamer "Heureux qui garde l'espérance / De s'arracher un jour à l'océan d'erreurs" ; le jeune étudiant plein d'enthousiasme pour ses futures études, dont se moque Méphistophélès lui conseillant de s'orienter vers la médecine riche en possibilités de séductions féminines. Enfin, Méphistophélès lui-même qui est à la fois sa part négatrice et incitatrice, comme Dieu le signifiait dans le "Prologue au ciel", il est ce qui empêche l'être humain de se satisfaire du présent et de se reposer sur ses lauriers, lesquels sont réels comme le prouve la scène avec les paysans reconnaissants de son dévouement de médecin. La quête de Faust est celle de l'humanité que ses connaissances conduisent à mesurer l'étendue de son ignorance et qui ne s'en obstine pas moins à tenter de percer le mystère du vivant.
La pièce est traduite en français dès 1826 (Albert Stapfer). C'est cette traduction qu'illustre Delacroix. En 1828 est publiée la traduction de Nerval. D'autres suivront, comme celle de Blaze, en 1840.



Faust II (1832)
      La deuxième partie de Faust, publiée de manière posthume, se présente sous la forme d'une pièce en cinq actes et en vers. Si le premier Faust se déploie sur 4 615 vers (incluant les trois "prologues"), le second en offre le double. Et double, il l'est sous bien des aspects puisqu'il reprend certains éléments de la première pièce en les modifiant ou les altérant. La pièce débute aussi par un monologue de Faust, mais en pleine nature, précédé des chants des esprits de l'air (comme Ariel), et c'est un monologue louant la lumière et la vie. Ce n'est pas dans une auberge de Leipzig au sein d'étudiants buveurs et bruyants que Faust va accompagner Méphistophélés mais à la cour de l'empereur pour un brillant, quoique tout aussi bruyant, carnaval. Par ailleurs, Faust va retrouver son cabinet toujours empoussiéré, Wagner a poursuivi ses recherches et finit de produire un homme artificiel (homunculus), l'étudiant est devenu bachelier, arrogant, prétentieux et pour cela quelque peu émouvant, comme le sont les jeunes gens face aux anciens "Avant que je le crée, existait-il un monde ?" ; Méphistophélès et Faust vont découvrir une nouvelle nuit de Walpurgis, non plus dans les brumes du nord mais dans la Grèce antique, non plus une plongée dans un imaginaire médiéval, mais une complexe quête de trois personnages, Faust poursuivant la beauté incarnée dans Hélène, Méphistophélés qui ne sait pas trop ce qu'il cherche, dépaysé qu'il est dans cet univers qui ne tient nul compte de son existence, mais qui finit quand même par s'y reconnaître, tout chaos lui étant bon à prendre et l'"homunculus" de Wagner en quête d'incarnation. La scène est importante puisqu'elle est en cours de rédaction depuis 1790.
La brève scène du galop du premier Faust se redouble dans celle de la chevauchée de Faust emporté par Chiron, le centaure.
     Ce n'est plus de Marguerite que s'éprend Faust mais d'Hélène de Troie qu'il lui faut aller demander, seul, au monde des Mères puis ramener des enfers (comme Orphée Eurydice mais avec un succès plus grand, même si provisoire). Avec Hélène, Faust vit un amour épanoui, la science et la beauté donnant naissance à la poésie, Euphorion, le jeune homme indocile qui pour s'élever trop haut connaîtra la fin d'Icare. Après la disparition de son fils, Hélène retournera aux enfers.
La trajectoire de Faust est cette fois-ci active : remise à flot des finances impériales par l'invention du papier monnaie (richesse "magique" en ce qu'elle n'est garantie que par les trésors encore enfouis dans les sous-sols), intervention militaire pour défaire le même empereur d'un usurpateur en échange de quoi l'empereur lui accorde ce qu'il désirait, les terrains à assainir en bordure de mer. Faust vieillit, devient aveugle, mais ne perd jamais l'énergie qui le pousse vers l'avenir au point de croire entendre les travailleurs à l'oeuvre alors que c'est sa tombe qui est creusée.
La pièce se termine, comme le spectateur s'y attendait, par la salvation de Faust, non seulement grâce aux interventions féminines (la Vierge comme dans le Mircacle de Théophile, mais aussi Marguerite et les autres pénitentes ayant toutes péché par amour) mais aussi celles des anachorètes et des anges. Les dernières scènes ne sont que chants d'amour et glorification de la vie, et le choeur des anges l'assure "Qui toujours à lutter s'obstine, / Il peut par nous être sauvé."
     Si Faust est sauvé, contrairement à la tradition, il n'en reste pas moins porteur des ambiguïtés (ou des ambivalences) de la modernité qu'il incarne à travers Méphistophélés, à la fois son mauvais génie (Marlowe faisait intervenir un bon et un mauvais ange) et son double. Son entreprise d'assainissement des rivages est à la fois bénéfique et maléfique. Dun côté, il gagne des terres nécessaires aux hommes "Partout on voit les prés verdir, / Hameau, jardin, forêt, terrasse" dit Philémon, de l'autre il entretient une flotte de pirates, et par ailleurs, il ne peut supporter la présence du vieux couple (Philémon et Baucis) qui, par son obstination, remet en cause sa toute puissance. Ils finiront brûlés dans leur chaumine avec leur visiteur (on se souviendra que dans le mythe il s'agissait de Zeus). Le vieux monde, celui des traditions, de la répétition, du religieux aussi (puisque l'église est brûlée en même temps que la chaumière) doit disparaître au profit d'un nouveau, inévitable,  quoiqu'on en ait puisque fruit du temps.




Edy Legrand

Illustration du Faust II, "l'âme de Faust sauvée par Marguerite", Edy Legrand. Union Latine d'éditions, 1942.



     Les pièces de Goethe vont marquer l'imaginaire bien davantage que ne l'avait fait le Faust de Marlowe, pour plusieurs raisons, outre la splendeur et la complexité de son oeuvre. Le désir de rajeunissement qui, pourtant, n'occupe qu'une place secondaire par rapport au savoir/pouvoir, va devenir prédominant dans les reprises du personnage (Dans l'opéra de Gounod, par exemple, ou dans le film de René Clair, La Beauté du diable, 1950) ; le couple Faust/ Marguerite frappe les esprits et sera largement popularisé par la musique et par les arts graphiques. Enfin, le personnage du démon sous les traits de Méphistophélés, grinçant, ironique, moqueur et, en même temps, fondamentalement impuissant (et le reconnaissant) face aux puissances de la vie renoue, d'une certaine manière, avec la vision médiévale d'un diable certes inquiétant, créateur d'illusions, mais d'un danger tout relatif puisque l'amour a toujours le dernier mot. Si Marlowe condamnait Faust conformément l'idéologie religieuse de son temps, Goethe le rédime en homme des Lumières qu'il est : la quête du savoir et de la beauté ne peut-être condamnable quels que soient les errements qu'elle comporte.





A lire
: L'article d'Adolphe Bossert, "Le « Faust » de Goethe - Ses origines et ses formes successives", publié dans la Revue des Deux Mondes, 1902 : il fait le point sur les sources et les transformations du projet de Goethe au fil des années.
Pour aller plus loin, un article "Formes et forces dans le Second Faust de Goethe" de Maurice Elie , 2002.
A voir : un film,  Faust, Alexander Sokourov, 2011.



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