La Vie de Marianne, Marivaux, 1731 / 1741

coquillage




salon 1728

Jean-François de Troy (1679-1752), Lecture de Molière, vers 1728. Le salon comme haut lieu de la sociabilité et de l'intimité.

Rédaction et publication

   En 1728, Marivaux demande et reçoit un privilège d'imprimer pour ce long récit (pourtant inachevé) qu'est La Vie de Marianne ou les Aventures de Madame la Comtesse de***. Le titre complet a son importance puisqu'il affirme, à l'orée du récit, son achèvement. "Marianne", personnage sans nom et sans histoire comme nous l'apprenons dès les premières pages, est devenue "comtesse", autrement dit s'est intégrée dans la haute société, le titre laissant supposer la fortune qui doit l'accompagner. Il va donc s'agir d'une ascension sociale et de ses tribulations que connote le terme "aventures".
La rédaction va s'étendre sur un peu plus de dix ans puisque la onzième et dernière partie publiée par l'auteur ne l'est qu'en 1741. Marivaux se prétendait paresseux, mais si la publication de La Vie de Marianne s'étend sur une si longue durée, ce n'est probablement pas cette raison qu'il faut incriminer puisque dans le même temps, il fait jouer 13 comédies, continue de publier ses journaux, par exemple Le Cabinet du philosophe, et rédige Le Paysan parvenu (1735, lui aussi inachevé).
Le roman est précédé d'un double avertissement. Le premier indiqué comme tel, le second (à peine quelques lignes) servant d'incipit à la première partie. Tous deux mettent en place la fiction d'une autobiographie imaginaire, "cahiers" trouvés dans une armoire, dans une maison de campagne des environs de Rennes. Marivaux proposera encore un avertissement à la deuxième partie, puis abandonnera le procédé, sans doute pour avoir suffisamment assuré la crédibilité de sa narratrice.
De fait, comme le titre l'indiquait, il s'agit de l'histoire d'une femme, et les cahiers seront 11. Le premier publié en mars 1731, le deuxième en janvier 1734, le troisième en novembre 1735; les trois suivants (4, 5, 6) en mars, septembre et novembre 1736 ; le septième en mars 1737 ; les quatre suivants seront publiés en Hollande, en janvier 1738 (8) puis en mars 1741 (9, 10, 11). En 1737, le chancelier d'Aguesseau avait proscrit les romans, autrement dit l'administration ne dispensait plus de privilège pour l'impression, si bien que les journaux français n'ont pas rendu compte de ces parties publiées en Hollande. En vérité, la mesure n'eut guère d'efficacité, mais Marivaux a sans doute préféré éviter les complications ce qui n'empêchera pas la publication du récit, à Paris, à la fin de 1742.


Une oeuvre inachevée suscite souvent le désir de la terminer. La Vie de Marianne n'a pas échappé à ce destin, mais le roman a eu la chance de rencontrer un esprit délié et talentueux en Madame Riccoboni. Marie-Jeanne Riccoboni (1713-1792), en 1751, se serait sentie mise au défi d'imiter "l'inimitable Marivaux". Elle rédigea donc une 12e partie dont il est dit qu'elle eut l'heur de plaire à Marivaux qui en autorisa la publication (en 1761) lorsqu'il en prit connaissance. Et il avait bien raison, le pastiche respecte, en effet, le style et les effets mis en place par Marivaux, il ne donne pas davantage la solution du mystère Marianne, même si elle fait de son interlocutrice une marquise, se bornant à developper ses réflexions jusqu'à leur terme, par exemple en affirmant tout de go ce que suggérait Marianne et que nous appellerions féminisme : "A tout prendre, marquise, les hommes sont bien ridicules, bien inconséquents ; nous ne les aimons que faute de les examiner." écrit-elle.
Madame Riccoboni avait été précédée dans cette voie par un continuateur qui révélait l'origine de Marianne, sans beaucoup d'imagination, puisqu'il confirmait la noblesse de la jeune femme, refaisant glisser l'intrigue dans le romanesque le plus conventionnel.



Un jeu romanesque

    Le roman, nous l'avons évoqué, est précédé de deux avant-propos, l'un intitulé "Avertissement" mettant en garde contre l'erreur de voir là un roman pour la raison qu'il s'agit d'un manuscrit authentique, et que sa forme, contraire aux lois romanesques en vigueur, le dit assez, compte tenu de ses "si longues et si fréquentes réflexions". Cet "avertissement" donne le nom de l'auteur, "Marianne", les conditions de rédaction "écrire à une amie" alors qu'elle est "retirée du monde", ce qui explique son "esprit sérieux et philosophe".
Cet avertissement est relayé dans l'incipit de la première partie par le bref récit des conditions de découverte du manuscrit, sous forme de cahiers abandonnés dans une armoire d'une maison de campagne dans laquelle se sont succédés nombre de propriétaires, sous-entendant ainsi que l'dientification de l'auteur est impossible.
Il y a beaucoup de désinvolture dans ces présentations (le premier éditeur avoue avoir corrigé le texte, le deuxième avoir changé deux noms de personnes pour qu'elles ne soient pas identifiées quoique, précise-t-il, "Ce qui y est dit d'elles est pourtant très indifférent", sans compter que ces personnes "sont mortes").
Ce jeu vise bien à assurer l'authenticité de l'écrit (c'est une autobiographie, en somme, dont l'auteur, "Marianne", est le personnage principal) tout en le minant, au passage.
Autre leurre, la datation. Il est dit que la date apposée sur le manuscrit en renvoie l'écriture à "quarante ans" en arrière, autour donc de 1690, ce qui tendrait à dire, puisque Marianne avoue avoir "50 ans passés", au temps de cette rédaction et qu'elle conte son histoire alors qu'elle en avait entre 15 et 16 nas, que les événements dont il est question se sont déroulés au mitan du XVIIe siècle, vers 1655. Or, le récit lui-même, les personnages (dont un certain nombre peuvent aisément être identifiés), les comportements, les problématiques appartiennent en propre aux années 1730.
construction
le roman est distribué en 11 parties dont nous avons vu que la publication a été intermittente. Dès le début du récit, cependant, le texte est proposé comme "lettre", d'abord dans la réflexion sur le style, ensuite dans sa matérialité. Chacune des parties commençant par une réflexion-excuse sur les intervalles qui les séparent, dans un dialogue imaginé avec la réceptrice.



Greuze

Jean-Baptiste Greuze (1725-1805), La Petite boudeuse, coll. particulière.


Les huit premières parties sont consacrées aux tribulations de la jeune Marianne, 15 ans, restée seule, sans ressources, dans Paris, après la mort de sa protectrice. Les trois dernières (9 à 11) changent de protagoniste puisqu'il s'agit du récit (rapporté par Marianne) de l'histoire de mademoiselle de Tervire, religieuse du couvent dans lequel elle se trouve et dont l'objectif, énoncé d'emblée, est d'éclairer Marianne sur le projet qui lui est venu de se faire religieuse. La narratrice ne cache guère son désir de la décourager d'un tel choix.
La particularité de ce récit est double. D'une part, la narratrice se dédouble, étant à la fois la jeune fille dont elle conte les heurs et les malheurs, mais aussi la femme âgée qu'elle est devenue et qui analyse, dévoile, ce que son héroïne a vécu dans la nescience. D'autre part, les trois composantes du récit : faits, réflexions, dialogues sont répartis de manière fort inégalitaire. Les faits sont peu nombreux, très ordinaires, souvent présentés sur le mode de la "scène" d'où l'importance des dialogues. Mais, chacun de ces minuscules événements (une sortie dans une église, une cheville foulée, etc.) suscite des réflexions à la fois sur les comportements des personnages et les motivations profondes qui les animent, souvent sans qu'ils en aient conscience, et ces réflexions occupent la plus grande partie du récit, sauf dans les trois dernières parties où l'histoire de Tervire (la religieuse) en réduit considérablement la présence sans, cepdendant, les éliminer complètement.
La Vie de Marianne est, par ailleurs, un roman déceptif. Le titre, en effet, dans la double identité de la narratrice-protagoniste (Marianne, populaire, et "comtesse") semblait promettre un récit picaresque des diverses étapes à franchir pour accéder au plus haut niveau de l'échelle sociale. Il n'en est rien. Le lecteur ne saura jamais comment Marianne est devenue comtesse quoique le récit lui fournisse quelques éléments à partir desquels il peut, à son tour, imaginer un roman.
Autre aspect du jeu romanesque, le mélange des genres. Nous avons signalé que les cahiers prennent forme de lettres, mais à l'intérieur du récit, le lecteur passe du romanesque même (par ex. l'attaque du carrosse où sont tués les parents de Marianne), au drame (par exemple, la mort de la mère de Tervire abandonnée par un fils ingrat), voire au mélodrame (les retrouvailles de madame Dursan avec son fils mourant), puis à la comédie  (par exemple, les moments de coquetterie de Marianne). Les tonalités variant constamment, le lecteur en oublie que le récit n'avance guère.
Il lui arrive aussi de s'interroger sur le travail de la répétition : le mystère de la naissance de Marianne est raconté (par elle, par d'autres) pas moins de 13 fois, avec chaque fois des variantes, infimes certes, mais significatives néanmoins. Il y a ainsi deux M. Villot, l'homme jeune, ambitieux et peu scrupuleux que l'on propose comme mari à Marianne, et un monsieur Villot, âgé, qui se charge de Terville (la religieuse), abandonnée par sa mère et qui s'en occupe avec dévouement. Il y  aurait là, sans doute, de quoi réfléchir à la variété des hommes etdes points de vue sur ce que nous vivons, sur la mémoire aussi.






Lancret

Nicolas Lancret (1690-1743), Le rendez-vous, Palais Barborini, Rome

une réflexion sociale

Le plus clair de l'histoire, dans ce long roman, est qu'il s'intéresse de près à l'état de la société.
C'est encore une société d'ordres mais en passe d'être contestée. Si la noblesse tient toujours le haut du pavé et impose son idéologie, un certain nombre de personnages permettent au lecteur d'en contester le bien-fondé, soit par des comportements qui en contredisent les valeurs, par exemple, Monsieur de Climal qui, sous les apparences de le dévotion et de la charité, n'en cherche pas moins à dépraver une jeune fille, ou comme dans l'histoire de la religieuse, le neveu du baron de Sercour n'hésitant pas à déshonorer une jeune fille pour empêcher un mariage qui le priverait d'un héritage ; soit par leurs réflexions contestant la justesse de ces valeurs : Mme de Miran ou l'officier qui demande Marianne en mariage. Tous deux considèrent que nom et naissance importent bien moins que les qualités intrinsèques de l'individu.
D'une certaine manière, le titre résoud la contradiction (tradition / nouveauté) puisque Marianne, sans nom, sans famille, donc sans origine connue (à noter qu'elle avoue connaître cette origine depuis 15 ans lorsqu'elle entreprend le récit de sa vie) a pu devenir comtesse. Mais le récit, lui, propose plusieurs cas de figure où les désirs de l'individu s'opposent aux impératifs familiaux et ce, dans les deux récits, celui de Marianne, comme celui de la religieuse avec des résolutions différentes, certes, mais qui, d'une certaine manière, confortent l'idéologie dominante ; "Bon sang ne saurait mentir", ainsi de Marianne dont tous les comportements trahissent l'origine noble ou, inversement, de la bru de madame Dursan dont la nature populacière finit par prendre le dessus. Reste que la question est posée, dans sa complexité. Mais, en meême temps, tous les personnages sont d'abord présentés dans leur comportement avant de se voir attribuer un nom, autrement dit une place sociale, par ex. Madame de Miran n'est nommée qu'au début de la 4e partie, bien après avoir prouvé sa généoristé et sa bienveillance..
Si le tiers-état apparaît peu, il a, malgré tou, une certaine présence, à travers la lingère à qui est confiée Marianne, madame Dutour ("C'était une veuve qui [...] n'avait pas plus de 30 ans ; une grosse réjouie qui, à vue d'oeil, paraissait la meilleure femme du monde ; aussi l'était-elle", telle que la voit Marianne), à travers le cocher avec lequel elle se dispute parce qu'elle juge qu'il exagère son prix ; à travers la bourgeoise, riche propriétaire, du récit de la religieuse, guère différente de la lingère.
Le peuple est, certes, taxé de vulgarité, d'ignorance des règles du savoir-vivre (ainsi de la femme de chambre s'asseyant près de Marianne dans le carrosse ou  de madame Dutour dénonçant, sans malice, le statut de Marianne à ses hôtesses infatuées de "hiérachie", mais en même temps, il lui est reconnu la générosité, l'empathie, la franchise.


Les domestiques ne sont pas aussi bien traités et Marianne ne peut envisager de le devenir. Leurs seules qualités sont le dévouement et la fidélité, autant dire qu'on leur demande de ne pas exister au profit de luers maîtres.
Autre cible de l'ironie, les religieux. Le roman stigmatise les apparences de la dévotion mais aussi son mauvais usage, ainsi de ceux qui font de leur mieux pour inciter la jeune Tervire à entrer en religion. A travers son récit, d'ailleurs, c'est la question des vocations forcées qui est posée, puisqu'elle raconte aussi l'histoire d'une autre religieuse se repentant de son choix.



Chardin
Jean Siméon Chardin ( 1699-1779)
Une femme occupée à cacheter une lettre, 1733,
(Berlin, Stiftung Kulturbesitz)

Le Livre d'un moraliste

Paul Gazagne (Marivaux par lui-même, Seuil, 1954) qui s'insurge contre une conception réductrice du "marivaudage" le rapproche des moralistes du XVIIe siècle, La Bruyère au premier chef. De fait, il y a dans ce roman à la fois une étude de moeurs, comme nous venons de le voir, une réaffirmation des valeurs  sur lesquelles Marivaux fonde la vie sociale : bienveillance, générosité, attention à autrui, honnêteté à l'égard des autres et de soi-même, et, à l'inverse une stigmatisation des défauts récurrents des humains, la vanité qui se prend pour de la fierté et n'est que de l'orgueil (le péché capital, celui de Satan), l'envie qui convoite ce qui est à autrui, beauté, élégance, richesse, et ne recule pas souvent devant les méfaits permettant de s'en emparer. M. de Climal tentant de subornner Marianne (la luxure) ou madame Durstan jeune (la cupidité) en sont des exemples.
A noter que Marivaux, l'auteur, et Marianne, sa créature, éprouvent beaucoup d'indulgence pour la coquetterie. Marianne sait d'instinct se mettre en valeur et maîtrise ainsi son apparence mais, inversement, il arrive que corps et visage trahissent les mouvements profonds qui l'agitent, désir, honte, ou autre. Marivaux est bien le fils de son siècle et anticipe à peine sur Condillac et le sensualisme (Traité des sensations, 1754) qui fait du corps la source de toute connaissance. Le roman se penche avec une minutieuse précision sur les mouvements du coeur : naissance  (ou non) de l'amour à partir d'une impulsion désirante incoercible?
Le roman propose ainsi des figures modèles auxquelles s'identifier, bien plus nombreuses du côté féminin et que masculin, et des figures repoussoirs mettant en évidence les aspects négatifs des humains.
Les scènes où agissent les personnages sont toujours occasion de percevoir ce qui en est détestable ou enviable, et la narratrice, dans ses réflexions, ne manque pas de le souligner.



célébration de la féminité

     Dans l'article (1959), rédigé en français,  qu'il consacre à La Vie de Marianne dans ses Etudes de style, Leo Spitzer écrit "Je ne suis pas loin de penser que le sujet de la vie deMarianne n'est pas tant le récit de telle vie de jeune fille intrépide, mais la glorification du principe féminin dans la pensée humaine se révélant dans la vie et en littérature"
De fait, La Vie de Marianne, comme son titre l'indique, en partie, est une histoire de femme (et des femmes) racontée par une femme (Marianne elle-même) à une autre femme qu'elle aime assez pour ne rien lui céler de son passé. Il y a certes des hommes aussi, mais ils restent le plus souvent à l'arrière-plan, vus par l'héroïne, objets et non sujets du récit et observés sans vraiment d'aménité. Une exception, le ministre devant lequel on traîne Marianne dans l'objectif de la faire renoncer à son mariage avec son prétendant, Valville, soit en entrant dans les ordres, soit en épousant sur le champ un homme du tiers-état. Ce ministre qui ne commettra pas cette injustice est un élogieux portrait du Cardinal de Fleury, premier ministre de Louis XV.
La majorité des femmes qui apparaissent dans le récit sont, en effet, indépendantes des hommes soit parce que, comme Marianne, elles sont orphelines (c'est aussi le cas de Tervire, la religieuse) soit parce qu'elles sont célibataires (comme la soeur du curé qui élevait Marianne) ou veuves (comme madame de Miran ou madame Dutour, la lingère). Elles ont quelquefois affaire à des fils, c'est le cas de Madame de Miran, et d'autres, mais ces fils n'ont qu'une autorité relative dans leur vie lorsqu'elles n'ont pas pris le risque, comme la mère de Tervire, de se dépouiller à leur profit.
Le modèle de ces féminités est Marianne, dans cette phase qui fait passer de l'enfance à l'âge adulte. De cette enfance, la narratrice dit peu de choses, mais il faut croire que l'instruction reçue a été de bonne qualité compte-tenu du résultat : elle sait peu mais est douée d'une aptitude à apprendre fort aiguë ; elle est fière et généreuse ; par ailleurs, nous l'avons déjà signalé, elle possède un instinct de coquetterie qui alimente un art de la séduction sachant jouer à la fois de la parure (Marianne sait ce qui lui va, ce qui convient au contexte) et de son propre corps (faire admirer ses mains, ses yeux, sans en avoir l'air). Il y a tout lieu de croire que devenue comtesse, elle est à la hauteur de ses deux protectrices, Madame de Miran et madame Dorsin. Ces deux femmes bénéficient d'un portrait (4e et 5e parties) et pour madame Dorsin de l'évocation de son salon. La première est toute bonté, le seconde joint à la bonté une intelligence remarquable qui inquiète quelque peu les hommes autour d'elles, la narratrice précisant qu'elle avait plus d'amis que d'amants.
Les spécialistes nous avisent que ces deux portraits trouvent leurs modèles, le premier chez Madame de Lambert dont Marivaux fréquenta fort le salon, avec ses amis Fontenelle et Houdar de la Motte. Elle avait la réputation de "faire les académiciens", fonction qu'endossera, après son décès, madame Tencin (madame Dorsin dans le roman de Marivaux), second portrait et second personnage, dont Marivaux loue le salon, en profitant, au passage, pour épingler les "pseudo-salons", lieu  de spectacle et non d'échanges.







madame de Lambert

Portrait d'Anne-Thérèse de Marguenat de Courcelles, marquise de Lambert (1647-1733), 1710,  par Nicolas de Largillierre (1656-1746).


Marianne peint bien d'autres portraits avec talent et un rien de malice souvent. Celui de Mme Dutour, la lingère, chez laquelle elle est placée, au tempérament effervescent ; celui de la prieure du couvent qui l'accueille   ensuite dont le terme "embonpoint" dessine parfaitement la silhouette ; celui es jeunes filles qu'elle est conduite à croiser, Mademoiselle de Fare, charmante, Mademoiselle Varthon, séduisante, certes mais quelque peu hypocrite, etc. Tous ces portraits font droit à la diversité des femmes, certains assumant les défauts mêmes que la société leur attribue : curiosité, indiscrétion, prétention, vanité, morgue (chez les grandes dames) et jouent ainsi leur partie dans la réflexion morale qui fait le fond du récit.
Toutefois, ces défauts dont le lecteur se demande s'il ne devrait pas les imputer aussi à Marianne ne grèvent pas ces évocations et l'effet général reste que les femmes sont des créatures merveilleuses et fascinantes, qu'elles possèdent au plus haut point finesse de jugement et intelligence et qu'elles sont plus susceptibles que les hommes de bonté.




A lire
: une analyse de la fausse dévotion dans le roman, au croisement du social et du moral : "A la recherche du «monde vrai» : vrais et daux dévots dans La Vie de Marianne", Sylviane Albertan-Coppola, 2015.



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