26 février 1802 : Victor Hugo

coquillage



En rapport avec Victor Hugo
, ce site contient : 1. "Dans l'ombre" (poème de L'Année terrible) - 2. Un extrait de William Shakespeare - 3. Un poème des Voix intérieures ("A Albert Dürer") - 4. un article sur la conception hugolienne de l'Europe ("L'Avenir est un dieu tiré par des tigres"). 5. une présentation des Misérables. - 6. Une présentation des Contemplations - 7. "L'amour fut de tout temps...", Toute la lyre, VII, 11 - 8. Lire Le Dernier jour d'un condamné - 9. Une présentation de Notre-Dame de Paris - 10. L'Homme qui rit (1869) -




    
     Ce siècle avait deux ans ! Rome remplaçait Sparte,
     Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte,
     [...]
     Alors dans Besançon, vieille ville espagnole,
     Jeté comme la graine au gré de l'air qui vole,
     Naquit d'un sang breton et lorrain à la fois
     Un enfant sans couleur, sans regard et sans voix ;
     Si débile qu'il fut, ainsi qu'une chimère,
     Abandonné de tous, excepté de sa mère,
     Et que son cou ployé comme un frêle roseau
     Fit faire en même temps sa bière et son berceau.
     Cet enfant que la vie effaçait de son livre,
     Et qui n'avait pas même un lendemain à vivre,
     C'est moi. -


C'est ainsi que dans le poème liminaire des Feuilles d'automne, le poète, qui a alors 28 ans, raconte cette journée du 26 février 1802.
Cet  enfant sans "un lendemain à vivre" vivra pourtant jusqu'en 1885 : écrivant, publiant, aimant, combattant en écrivain, en représentant (à la Chambre des pairs où il est nommé en 1845, à la Chambre des députés où il est élu en 1848, puis en 1871, le temps de dire sa réprobation et de démissionner, au Sénat à partir de 1876), en citoyen, partout et toujours concerné.

Ecrire : Hugo le fait très tôt. A seize ans, il a rédigé la première version de Bug Jargal et versifie déjà passionnément.
En 1822 paraissent les Odes, qui connaîtront des éditions successives jusqu'à devenir Odes et ballades en 1826. Le Moyen-Age est alors à la mode chez les jeunes artistes. C'est donc son premier recueil poétique, il sera suivi des nombreux autres (Les Orientales, 1829, Les Feuilles d'automne,  1831, Les Chants du crépuscule, 1835, Les Voix intérieures, 1837, Les Rayons et les Ombres, 1840). Mais la corde poétique n'est pas la seule qu'il fasse vibrer. Ses romans sont pour le moins aussi beaux, aussi poétiques, aussi fascinants : Bug Jargal, réécrit en 1825 (au moment où la France vient de reconnaître l'indépendance de Haïti), est publié en 1826, qui affirme l'égalité entre les hommes : Léopold Duverney (le blanc) et Bug Jargal (le noir) sont identiques par la générosité, la noblesse et la grandeur d'âme.
En 1829, c'est Le Dernier jour d'un condamné qui vient faire entendre la voix d'un homme pour lequel la peine de mort est un crime contre l'humanité. Le Victor Hugo que nous connaissons, et qu'en général, on ne reconnaît qu'après l'exil, est en train de se construire. Claude Gueux, en 1834, en reprend les thèmes et le combat.
En 1831, Notre Dame de Paris.
Et en même temps, Hugo investit le théâtre. En 1827, il a rédigé son programme théâtral (qui est aussi celui du romantisme) avec Cromwell et sa préface : pratique et théorie, même si la pièce n'a jamais été montée.

Hugo, 1827


Dessin de Louis Boulanger, 1827.
Cet élève de Devéria, dont Hugo fait la connaissance  en 1824, sera un ami proche et fidèle du poète. Il fera de lui de nombreux portraits.
Pour en savoir plus, c'est ici.
En 1830, la fameuse bataille d'Hernani le rend maître de la scène (et avec lui, tous les romantiques) où se succèderont Marion de Lorme, 1831, Lucrèce Borgia et Marie Tudor, 1833, Ruy Blas, 1838, Les Burgraves (1843) qui marquera la fin de l'hégémonie romantique. Mais Hugo ne cessera jamais d'écrire du théâtre et les pièces du Théâtre en liberté en témoignent dans leur fantaisie.
Ces années, sur le plan personnel, ont été heureuses  et parfois assombries de deuils et de souffrances. Mort de la mère en 1821, mort du père en 1828. En 1822, il a épousé Adèle Foucher. En 1823, leur premier né, baptisé Léopold, comme le grand-père, ne vit que quelques mois. Mais d'autres enfants sont venus : Léopoldine, 1824, Charles, 1826, François-Victor, 1828, Adèle, 1830.
Adèle (l'épouse) répond peut-être avec trop de complaisance à la cour que lui fait Sainte-Beuve, et après la naissance d'Adèle le couple est en crise. En 1833, Hugo connaît Juliette Drouet, une jeune actrice, avec laquelle il entame une liaison qui durera toute leur vie.
Mais le pire va advenir en 1843, lorsque Léopoldine, toute jeune mariée, au cours d'une promenade en barque, se noie dans la Seine avec son mari, Charles Vacquerie. Cette blessure ne se cicatrisera jamais.
En 1845, il est nommé à la Chambre des pairs (Elle remplace le Sénat napoléonien. C'est la seconde chambre législative. Les pairs sont nommés par le roi. Leur nombre n'est pas limité.)
En 1848, il est élu député.





dessin de Hugo

Paysage avec trois arbres, dessin de Hugo.
Puis, c'est 1851 : le coup d'Etat de Louis Bonaparte, élu président de la République en 1848 et qui veut conserver le pouvoir que la Constitution lui refuse. La résistance. L'exil et un combat de vingt ans contre un régime auquel Hugo ne pardonnera rien. Pour nous, c'est le temps où s'élabore une certaine idée de la République qui finira par triompher en 1871, dans le double malheur de la guerre (avec la Prusse) et de la répression sauvage contre les Communards.
L'exil commence par la dénonciation : Napoléon le Petit (Bruxelles, 1852) et Les Châtiments (Bruxelles, 1853) dont vont circuler sous le manteau les éditions clandestines, non tronquées,  et qui seront lus et relus pendant vingt ans. L'écrivain, dans le pamphlet comme dans le recueil de vers, a un seul projet : stigmatiser le régime et éveiller la conscience des citoyens.  Mais le militant reste le grand poète comme viendront le rappeler Les Contemplations,  en 1856. Leur succès sera tel qu'avec ses droits d'auteur, Hugo pourra acheter une maison à Guernesey, qui sera sa demeure, face à l'océan. Acheter une propriété le mettait à l'abri de l'expulsion possible, comme cela était arrivé précédemment à Jersey. En 1859, paraît la première série de La Légende des siècles (dont la dernière série sera publiée en 1883). Dans les années 1840, il avait tracé les linéaments d'un récit qui prend progressivement de l'ampleur et deviendra Les Misérables dont la parution  en 1862 sera un événement. En 1865, ce sont Les Chansons des rues et des bois ; en 1866, Les Travailleurs de la mer ;  en 1869, L'Homme qui rit ; en 1872, le recueil de L'Année terrible ;  en 1873, Quatre-vingt-treize, le roman-bilan sur la Révolution et la Terreur.
Sans compter les autres recueils de poèmes, les innombrables lettres, les récits de voyages, les discours, l'essai dont William Shakespeare est le plus beau fleuron, publié en 1864 et conçu, à l'origine, pour servir d'introduction à la traduction que François-Victor avait fait des oeuvres du maître et où Victor Hugo finit par déployer toute sa conception de l'art et construire son Panthéon de grands créateurs en commençant par Homère et en passant par Rabelais.
Il faudrait parler aussi de ses dessins qui sont un bonheur pour l'oeil autant que pour l'esprit : de son invention, de cet univers onirique où jouent ombre et lumière, à l'instar de ses poèmes.
Il faudrait aussi rappeler que les combats de Hugo se sont poursuivis jusqu'au dernier jour et qu'il n'a eu de cesse, lui qui n'était pourtant pas d'accord avec eux, d'obtenir l'amnistie des Communards ; qu'il a continué à se battre pour l'école laïque et obligatoire, contre le travail des enfants, pour aider les filles-mères (aujourd'hui on parlerait de mères célibataires), contre la peine de mort, pour la liberté des peuples à disposer d'eux-mêmes, pour la construction de l'Europe, pour le rêve de la république universelle ...
Et la plus belle leçon de Hugo est, à mon sens, l'exercice d'admiration :

Quant à moi, qui parle ici, j'admire tout, comme une brute.

C'est pourquoi j'ai écrit ce livre.
Admirer. Etre enthousiaste. Il m'a paru que dans notre siècle cet exemple de bêtise était bon à donner.
 (William Shakespeare, éd. Robert Laffont, coll. Bouquins, « Critique », p. 381)








dessin de Rodin, 1885



Rodin : détail d'un croquis de 1885

      Alors si l'on vous dit qu'Hugo, c'est surfait, grandiloquent ("Il faut bien reconnaître qu'il a remué plus de mots que d'idées. — Il vécut ivre de sons et de couleurs, et il en a saoulé le monde" écrit Anatole France qui n'a pas écrit que des choses intelligentes, il est vrai qu'il a corrigé aussi "C'est un grand visionnaire et un incomparable artiste"),  répondez ce que disait déjà Julien Green : "Quand je vois un écrivain de nos jours attaquer Hugo, j'ai l'impression d'assister aux efforts d'un enfant qui voudrait démolir l'Arc de triomphe avec sa pelle à sable." (Journal, t. II, plon, 1951) et ADMIREZ !
Car tout est admirable dans cet homme, cet écrivain qui est ce qu'il disait de Shakespeare : un "homme océan". L'expression a été reprise par la BnF pour l'exposition qu'elle lui a consacré et que vous visiterez avec profit, c'est ici.


A voir  : quelques dessins de Hugo sur le site de la maison de Victor Hugo, à Paris, mais aussi à la BnF.
A visiter : l'exposition virtuelle de la BnF.
A consulter :  le très riche site du groupe Hugo. Un article de Bertrand Raison, dans la Revue des Deux Mondes, 17 octobre 2018, à propos d'une exposition consacrée à Hugo et la caricature.
A écouter : une émission consacrée à Juliette Drouet qui éclaire bien des aspects de Hugo, Concordance des temps, France culture, 28 octobre 2023, avec Florence Naugrette,


Accueil               Calendrier des écrivains de langue française