La Chanson de la croisade albigeoise, 1210-1219

coquillage






livre de poche, 1989

Première de couverture, livre de poche, 1989.
Edition bilingue, adaptation en français contemporain d'Henri Gougaud.
Illustration adaptée d'une enluminure représentant la bataille de Muret, tirée des Grandes chroniques de France, XIVe siècle.

Contexte

Il est de notoriété publique, au moins pour ceux qui s'intéressent à la littérature et à la langue, qu'au Moyen Age (et encore bien longtemps après puisque l'unité linguistique de la France ne sera vraiment accomplie qu'à la fin du XIXe siècle), l'espace de ce qui va devenir la France, non seulement était morcelé en divers territoires, mais encore divisé en deux grandes zones linguistiques, les pays d'oïl et les pays d'oc ("oïl" et "oc" étant les formes du "oui" au nord de la Loire et au sud, pour simplifier), selon les termes mêmes de Dante (De vulgari eloquentia, 1303-1304).
Nous savons aussi, pour l'avoir plus ou moins appris à l'école, que la poésie lyrique et la courtoisie ont d'abord été des créations du sud avant de fructifier ensuite dans les langues d'oïl, et les troubadours (trobador vient de trobar = trouver) ont précédé les trouvères, mais nous savons bien moins, peut-être même pas du tout, que la littérature des langues d'oc s'est aussi illustrée dans des "romans", Flamenca par exemple, autant que dans la chanson de geste. Une des plus belles est cette Chanson de la croisade albigeoise que permet de découvrir la collection Lettres gothiques dirigée par Michel Zink au Livre de poche.

Un titre peu clair

L'oeuvre dont il s'agit ne porte, en fait, pas de titre. Elle est composée de deux poèmes, dus à des auteurs différents, d'inégales longueurs (le second faisant largement plus du double du premier) et réunis dans un manuscrit de la fin du XIIIe siècle, manuscrit qui semble curieusement inachevé (les illustrations sont à peine ébauchées) comme les deux poèmes eux-mêmes.
Le seul terme utilisé dans le texte est le mot "canso" (chant). Son premier éditeur, en 1837, Claude Fauriel, lui donne un titre destiné à résumer son contenu, Histoire de la croisade contre les hérétiques albigeois. A défaut d'autre chose, le titre était descriptif. Paul Meyer, en 1878, considère qu'il faut supprimer le terme "hérétiques", certes employé par le premier auteur, maais écarté par le second, et qu'il est préférable d'utiliser le mot "chanson", terme usé par le premier auteur et correspondant plus exactement aux écrits qui ont à voir avec la chanson de geste, en lieu et place d' "histoire", bien qu'à ses yeux, ces deux textes soient aussi, tout particulièrement le second, des documents historiques autant que des oeuvres littéraires. Le titre devient donc Chanson de la croisade contre les albigeois, dont le sens est sans ambiguïté. Les poèmes content, en effet, la croisade, appelée par le pape Innocent III, en 1208, contre "l'hérésie" de chrétiens aspirant à une religion plus proche de la parole christique des Evangiles, en cela peu différente des autres hérésies, nombreuses en ces temps-là, où l'Eglise, institution et pouvoir, ne s'est pas encore totalement imposée. Se rappeler que c'est aussi l'époque de la séparation de l'Eglise d'Orient (orthodoxe) de celle d'Occident (catholique), officiellement enregistrée en 1204. Et cette croisade est lancée contre les Albigeois, terme propagé par Bernard de Clairvaux (grand promoteur de croisades) et son entourage venus prêcher en 1145 en Toulousain, déjà "infecté" par l'hérésie. La papauté commençait à s'inquiéter de ce mouvement, dont Bernard fait d'Albi l'épicentre.
A l'époque, et dans le poème, le terme le plus souvent utilisé est "hérétiques", même si Guillaume (le premier auteur) dit aussi "cel de Bolgaria", autrement dit les "bougres". Les mots "catharisme" et "cathare", bien que forgés par un religieux du temps, Eckbert de Schönau, en 1163, ne se populariseront qu'à partir du XIXe, avec la publication, en 1848, du livre de Charles Schmidt, Histoire et doctrine de la secte des Cathares ou Albigeois.
Le premier poème s'interrompt sur la bataille de Muret (12 septembre 1213) ; le second enchaîne sur cette même bataille et s'interrompt alors que Louis (qui sera Louis VIII, roi de France), fils de Phillippe Auguste, et son armée marchent sur Toulouse (juin 1219), après avoir pris Marmande.


Un mystère préside au titre retenu pour cette édition de la fin du XXe siècle, transformant "contre les Albigeois" en "albigeoise", comme si la croisade était le fait des "Albigeois" et non de leurs adversaires visant à les exterminer.  Ce titre nouveau est dû à l'édition de E. Martin-Chabot (1931-1961) ; l'édition des lettres gothiques lui emprunte aussi sa transcription du manuscrit qui fournit le texte en occitan et la répartition des laisses en chapitres titrés, destinés à faciliter la compréhension du lecteur un peu ignorant de cette histoire si ancienne.





le début du manuscrit

Première page du manuscrit n° 25425 de la BnF.
Les lettrines marquant le début des laisses sont alternativement bleues et rouges.

Le manuscrit

Le manuscrit commence par ces vers,

El nom del Payre del Filh e del Sant Esperit
Comença la  cansos  que maestre Guilhems fit
Us  clercs  qui en Navarra fo a Tudela noirit...

Au nom du Père du Fils et du Saint Esprit
Commença la chanson que maître Guillaume fit
Un clerc qui en Navarre à Tudèle fut élevé....


L'oeuvre y est désignée comme "la cansos" (la chanson) et son premier auteur s'y nomme "maestre Guilhem" (Maître Guillaume), justifiant son titre par la précision "us clercs", un clerc. Il est donc "lettré" et précise, par ailleurs (vers 17/18), que le comte Baudouin (frère de Raimon VI de Toulouse, mais dans le camp des croisés conduit par Montfort) le fait chanoine de Saint Antonin où il écrit son livre. Paul Meyer émet l'hypothèse qu'il a été jongleur en s'appuyant sur la laisse 9 où Guillaume se plaint de n'avoir rien gagné à ses écrits en accusant la ladrerie des riches de son temps, lieu commun propre aux jongleurs, assure Paul Meyer.

Paul Meyer dans son introduction à son édition du récit, en 1878, décrit ainsi ce manuscrit :
"C'est un volume en parchemin de 169 feuillets de 0m,245 sur 0m,180, écrit en gothique très soignée, dans la seconde moitié du XIIIe siècle. Il contient un certain nombre de dessins à la plume, qui devaient probablement être plus tard coloriés, mais ne l'ont pas été, et occupent chacun une demi-page. Ces dessins ont été reproduits en lithographie dans les additions de Du Mège à Dom Vaissète, t. V de cette édition*. Le fac-simile en taille-douce d'une page, contenant l'un de ces dessins (le concile de Latran) et de plus les vers 3161-87, est joint à l'édition de Fauriel."
* Il s'agit de L'Histoire générale du Languedoc.

Claude Fauriel dans son édition de 1837 précisait "des 239 pages dont se compose le manuscrit, treize sont ornées de dessins, dont chacun occupe à peu près un tiers de page. Ces dessins, évidemment destinés à être coloriés en miniatures, sont restés de simples traits à la plume ; mais ces traits ne laissent pas d'être remarquables. Ils représentent pour la plupart des assauts, des prises de ville et des mêlées de guerre, où les figures sont jetées ou groupées avec beaucoup plus de variété, de mouvement et d'effet que l'on n'en trouve dans les miniatures du même genre et de la même époque en d'autres pays."




Les poèmes

La première chose qui frappe le lecteur est la différence de tonalité entre les deux parties de la Chanson, celle due à Guillaume de Tudèle, et celle de l'Anonyme qui, malgré les efforts des érudits et les propositions diverses d'attribution, continue d'être juste une voix, mais quelle voix ! Si celle de Guillaume est un peu terne, celle de l'Anonyme est flamboyante.
Tous deux utilisent la même métrique, l'alexandrin monorime pour des groupes inégaux de vers que l'on nomme "laisses", la fin de la laisse se marquant par un vers plus bref, généralement un hexasyllabe. Chez Guillaume ce dernier vers rime avec la laisse suivante, chez l'Anonyme, le vers entier est intégré dans le premier de la laisse suivante.
Tous deux ont donc choisi la forme de la chanson de geste, et Guillaume dit, au début de la 2e laisse, avoir modelé la sienne sur La Chanson d'Antioche (versification et musique).



chanson de geste : le terme geste vient du latin "res gestae", choses accomplies, hauts faits, exploits. La "geste" chante l'histoire, celle d'une famille, celle d'une communauté. Elle s'inscrit dans le régime de l'épique. Autant dire que c'est une histoire magnifiée aux limites de la légende.
"Nous appelons chanson de geste un chant dans lequel nous sont rapportées les actions des héros et les oeuvres de nos ancêtres, de même que la vie et le martyre des saints ou les souffrances endurées par les grandes figures de l'histoire pour la défense de la foi et de la vérité, comme par exemple la vie du bienheureux Etienne, le premier martyr, ou l'histoire du roi Charles. Il faut faire entendre ce genre de chanson aux personnes âgées, aux travailleurs et aux gens de condition modeste, pendant qu'ils se reposent de leur labeur, afin qu'en apprenant les misères et les calamités des autres, ils supportent plus facilement les leurs, et que chacun reprenne avec plus d'ardeur son propre ouvrage. Et par là ce chant sert à la conservation de la cité tout entière. (Jean de Grouchy, De Musica, fin XIIIe siècle, cité dans le Précis de littérature française du Moyen Age, 1983, dir. Daniel Poirion)








miniature

Scènes de la croisade contre les Albigeois, miniature des Grandes chroniques de saint Denis, XVe siècle, bibliothèque municipale, Toulouse.


C'est bien l'histoire qui est le sujet des poèmes, mais une histoire qui, loin d'être éloignée dans le temps, se fait sous les yeux des poètes. Guillaume dit avoir commencé son chant en 1210, et l'on a vu qu'il s'interrompt sur une bataille de 1213 ; l'Anonyme ne précise rien, mais son chant s'interrompt avant que Louis de France n'arrive à Toulouse (juin 1219). Peut-être y est-il mort, comme bien d'autres, en défense de la ville qui résista, comme lors du siège où Montfort trouva la mort. Guillaume dans ses 130 laisses (souvent brèves) va des origines de la croisade, la "folie" des mauvais croyants et la décision papale, jusqu'à la bataille du Muret. Il s'applique, cherche à être exact, considère les "fautes" de ses concitoyens qui refusent de les admettre, jugeant les sermons qui tentent de les ramener dans le droit chemin, avec mépris "Ne prezan lo prezic una poma porria" (ne prisant les prêches pas plus qu'une pomme pourrie). A cause d'eux, la guerre a été déclarée.
Il est donc tout acquis à la croisade. Il ne se lasse pas d'admirer les chevaliers français, Simon de Montfort au premier chef. Mais... Il a aussi un grand respect des hiérarchies et un seigneur est un seigneur, c'est dire qu'on ne peut le soupçonner d'hérésie. Si bien qu'il admire aussi le comte de Toulouse (Raimond VI), même lorsqu'il change de camp, qu'il nie avec force que le vicomte de Béziers et Carcassonne, Roger Trencavel, ait été assassiné après s'être rendu, il est mort de maladie ; Béziers a été pillée, détruite, tous ses habitants assassinés, mais ce sont des sous-fifres, dirions-nous familièrement, qui ont opéré le massacre et quand les chevaliers s'en aperçoivent, ils font cesser le carnage, trop tard, bien sûr. Il s'apitoie sur les méfaits de la guerre, surtout quand elle traite de grands seigneurs (qui, par principe, ne peuvent pactiser avec l'hérésie) comme le premier venu, par exemple la dame de Lavaur jetée dans un puits et couverte de pierres, mais il n'en remet jamais en cause le bien fondé.
Tout autre est l'allure de l'Anonyme. Il parle rarement d'hérésie, et quand un de ses héros emploie le terme, c'est pour le contester. Les Français, à ses yeux, sont des envahisseurs, le comte de Toulouse et les siens, seigneurs ou bourgeois, femmes et petit peuple, tous unis dans la résistance, sont les héros. Son poème commence par cinq vers déplorant la guerre : lances brisées, gonfanons abandonnés, âmes quittant les corps, dames veuves.  Il procède, si l'on peut dire, par juxtaposition d'évocations (le siège de Beaucaire, par exemple, en 1215-16, et ses divers épisodes, 27 laisses de 1227 vers). De la lecture de ces vers se dégagent des impressions fort diverses : l'horreur de la guerre, l'éloge des résistants, le mémorial des combattants du sud, l'illustration et défense des valeurs qui les unissent.
La peinture de la guerre, répétitive —conformément au sujet du poème— n'est pas celle de hauts faits, elle est une mêlée confuse dont le fracas (c'est une poésie très sonore que renforcent les effets d'accumulation), la confusion, le caractère de "boucherie" dans les corps dépecés dont les anaphores amoncellent les membres épars dans les vers, comme sur le champ de bataille, donnent un sentiment de nausée. Il n'y a aucune gloire dans la guerre, tout au plus celle de survivre, de repousser l'envahisseur et d'avoir le courage de recommencer. Quant aux croisés, ils ne se battent ni pour Dieu, ni pour le Pape, mais bel et bien pour le butin.
La guerre ne peut être qu'une abomination, comme l'oraison funèbre de Montfort, tué devant Toulouse, en témoigne (laisse 208, vers 8684-8697) ; le poète y est d'une cruelle ironie. Quelle est cette religion qui prétend sanctifier un assassin ? :


E ditz l'epictafi cel qui l sab ben legir
Qu'el es sans ez es martirs e que deu resperir
E dins e l' gaug mirable heretar a florir
E portar la corona e e l regne sezir.
Ez ieu ai auzit dire c'aisi s deu avenir
Si per homes aucirre ni per sanc espandir
Ni per esperitz perdre ni per mortz cosentir
E per mals cosselhs creire e per focs abrandir
E per baros destruire e per Paratge aunir
E per las terras toldre e per Orgolh suffrir
E per los mals escendre e pels bes escantir
E per donas aucorre e per efans delir,
Pot hom en aquest segle Jhesu Crist conquerir
Eldeu portar corona e el cel replandir.

transcription d'Eugène Martin-Chabot
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Et on lit sur l'épitaphe, celui qui sait lire
qu'il est saint qu'il est martyr qu'il doit ressuciter
avoir part à l'héritage [céleste] et fleurir la félicité sans égale
porter la couronne et siéger dans le royaume [de Dieu].
Et moi j'ai ouï dire qu'il doit en être ainsi
si pour tuer des hommes et répandre le sang,
pour perdre des âmes, pour consentir à des meurtres,
pour croire des conseils pervers, pour allumer des incendies
pour détruire les barons et pour honnir Paratge [honneur]
pour prendre des terres par violence, pour faire triompher Orgueil
pour attiser le mal et éteindre le bien
pour tuer des femmes et pour égorger des enfants
on peut en ce monde conquérir Jésus Christ
Il doit porter couronne et resplendir dans le ciel.
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Sur sa pierre tombale est clairement gravé
qu'il est saint et martyr, qu'il ressucitera,
qu'il connaîtra la joie parfaite des Elus
et ceindra la couronne à la droite de Dieu.
En sera-t-il ainsi ? Peut-être, en vérité.
Si en tuant des hommes, en répandant le sang,
en tourmentant les âmes, en prêchant des tueries,
en suivant fausse route, en dressant des brasiers,
en ruinant des barons, en rabaissant l'Honneur,
en pillant un pays, en exaltant Orgueil,
en attisant le mal, en étouffant le bien,
en massacrant les femmes avec leurs nourrissons
quelqu'un peut ici-bas conquérir Jésus-Christ,
alors sire Simon au ciel resplendira !

adaptation d'Henri Gougaud



Les résistants sont admirables dans leur ténacité, particulièrement mise en valeur durant le siège de Toulouse, où tout un chacun apporte sa contribution à la défense de la cité en rebâtissant ses murs au fur et à mesure que les croisés les démolissent, tout autant qu'en combattant et en mourant, il n'est jusques aux dames qui manoeuvrent les catapultes dont une pierre bien lancée tue Simon de Montfort, le 25 juin 1218.
Le poète prend soin de noter tous les noms de ces seigneurs, grands ou petits, ceux qui tiennent encore leurs terres, autant que ceux que les Français ont dépossédés, devenus des sortes de hors-la-loi vivant par monts et par vaux mais se regroupant dès que le comte de Toulouse bat le rappel. Il use aussi d'allégories, posant ainsi les valeurs dans lesquelles se reconnaissent les Toulousains et leurs alliés, dont la plus importante est "Paratge" que la plupart des traducteurs rendent par "honneur" (perdu à la bataille de Muret avec la mort du roi d'Aragon et la défaite de l'armée coalisée contre Montfort, il est reconquis à Beaucaire et rayonne à Toulouse). "Paratge" est associé à "Prez", le prix, la valeur individuelle, "Dreits" et "Dreitura", le droit, la juste cause, mais aussi à "Razo", raison, au sens de raisonnement juste et équilibré, et il s'oppose à "Orguolh", l'orgueil compris en mauvaise part, l'arrogance, la démesure, les débordements de tous ordres. Il va sans dire que c'est le péché majeur, celui de Lucifer, l'ange déchu. Ainsi la justice et le bien sont-ils tout entiers du côté de Toulouse et le mal, l'injustice du côté des croisés.
En insistant sur l'unité des résistants, sur la fidélité qui unit les habitants des villes à leurs seigneurs, et les seigneurs à ces mêmes habitants dont ils prennent conseils, aux côtés desquels ils travaillent et se battent, l'auteur dresse le portrait d'une société dont tous les membres se reconnaissent partie prenante sinon égaux. Toulouse et Beaucaire accueillent avec enthousiasme les comtes de Toulouse, Raimond VI et son fils, se regroupent autour d'eux et reprennent la lutte. Cette unité est souvent rappelée, par exemple lorsqu'il s'agit de reprendre Beaucaire et d'enfermer la garnison de Montfort dans le château, tous s'y mettent : "Onques en nulle oeuvre vous ne vîtes si riches maçons / car les chevaliers et les dames apportent le blocage / et damoiseaux et damoiselles les matériaux et le charbon / chacun disant ballades, vers ou chansons." (traduction Paul Meyer, laisse 158) Il en sera de même lors de la défense de Toulouse où les travaux sont le fait tous, y compris les petits enfants et en chansons.
Le vers qui associe la poésie aux travaux de terrassement témoigne d'un art de vivre, comme dans l'éloge des villes, le poète dessine aussi l'image d'une région prospère, voire riche, où abondent les vivres et les vins.
Un autre élément de cette sociabilité transparaît dans l'importance accordée par le poète aux "conseils". Avant toute action, les seigneurs se concertent entre eux et avec les habitants des villes, échangent leurs avis, argumentent avant de décider d'une tactique. Une grande partie de ce second poème est ainsi occupée par des discours directs, qu'il prète aussi à l'autre camp, celui des croisés. La différence étant que dans le camp du comte de Toulouse ces discours sont toujours à l'unisson, renchérissant dans le même sens, celui de la résistance, alors que dans celui des croisés la controverse est possible, tous les barons ne partageant pas la radicalité de Montfort, sans doute aussi manière de montrer que le Droit n'est pas de leur côté puisqu'il se discute.

L'adaptation d'Henri Gougaud est fort belle, quoique son parti pris de versification le conduise à, parfois, altérer le texte, ce qui est un peu dommage, mais il rend avec force la terrible épreuve qu'ont été ces premières années d'une guerre qui se poursuit bien longtemps après que les deux poètes se sont tus, en ignorant qu'ils vivaient la fin d'une civilisation.
La fille de Raimon VII épousera le frère du roi de France, et le couple n'ayant pas eu d'enfant, le sud tombera dans l'escarcelle du roi de France, en 1271. Le dernier réduit des Cathares, Montségur, tombe en 1244, 200 cathares y sont brûlés. Leur persécution se poursuit encore au début du XIVe siècle.
Il reste la mémoire, l'émotion, la beauté.





A feuilleter
: le manuscrit N° 23425 à la Bibliothèque nationale de France.
Les Grandes Chroniques de France.
A lire : pour en savoir plus sur la croisade contre les Albigeois sur cathare.org.
A écouter : "Les chevaliers cathares" de et par Francis Cabrel.
A consulter : l'édition de Paul Meyer, tome 1 (transcription du texte, notes philologiques), tome 2 (traduction, notes historiques et géographiques)



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